Nora était tout autant éberluée que son camarade et regardait l'énergumène debout devant l'Estomac de fer. Un type assez typé, blond, grand, jeune... C'est ce qu'elle avisa de loin, avant de suivre les pas de Kiba qui commençait à s'échauffer. Effectivement, il n'était pas bon du tout de forcer et de partir en ballade avec une température corporelle pareille; Et même si elle n'avait pas vu autant de marmottes au réveil que l'asiatique, elle était aussi étonné que lui de voir quelqu'un d'aussi robuste au réveil.

Mais ce n'est pas pour autant qu'il n'avait pas besoin de quelqu'un, de soins, et surtout... de réponses.

Elle regarda Kiba le faire asseoir, analysant rapidement la réaction du jeune homme et gardant un minimum de distance pour le moment. Puis, la rouquine releva la tête sur son compagnon de galère tout en hochant la tête pour répondre positivement à sa demande avant de le voir s'engouffrer dans la Voûte.

Elle soupira et s'accroupit alors devant le jeune homme après s'être rapprochée un peu, le fixant :
Elle vérifiait si son teint n'était pas trop pâle, si ses yeux pouvaient la regarder fixement, s'il allait bien aux premiers abords. Malheureusement la jeune femme n'avait que sa veste sur elle, elle et Kiba était juste revenus prendre quelques affaires appartenant aux Éveillés.
Elle soupira lentement et tout en retirant sa veste trop grande pour elle, le plus délicatement possible pour que le jeune inconnu ne se sente pas agressé, elle lui parla enfin :

«Je m'appelle Nora, vous venez de vous réveiller après un long sommeil, vous devez rester au chaud le temps que vous retrouviez tous vos sens...» tout en se penchant vers l'homme, lui mettant délicatement la veste sur ses épaules, lorsqu'elle lui avait légèrement décollé le dos du mur.
«Vous pouvez parler..? Comment vous appelez-vous ?» reprit-elle après l'avoir assisté un peu. Nora voulait vérifier si le type avait un quelconque souci de mémoire. Malheureusement, cela pouvait arriver.

Il n'avait jamais halluciné avant, n'ayant jamais pris de drogues ou quoique ce soit qui aurait pu attaquer son cerveau ainsi, il ne pouvait donc pas connaître cette sensation. Pourtant Esteban avait bien l'impression que c'était ce qu'il lui arrivait. Où était Wooden Cove par tous les diables ? Il était presque sûr qu'une enceinte de cette taille ne pouvait être déplacée à travers le pays, même montée sur des railles, il faudrait creuser des tunnels assez gros pour qu'elle puisse s'y mouvoir. Impossible.

Alors où se trouvait-il bon sang ?

Il y avait d'autres explications, bien sûr, des milliers d'autres, elles fourmillaient au font de ses pensées mais Esteban grimaçait. Il avait mal au crâne. Depuis qu'il s'était réveillé. Enfin... La deuxième fois qu'il s'était réveillé, après qu'il se soit évanoui ; d'ailleurs, combien de temps avait-il passé au sol ? Sa nuque le lançait et ses côtes lui réclamaient un peu moins de vibrations lorsqu'il marchait. À chaque fois qu'Esteban essayé de réfléchir, comme à son habitude, un pique de douleur, comme une migraine oculaire, le prenait. Il n'avait jamais été aussi conscient du nombre de choses contenu dans sa boîte crânienne et d'à quel point il n'arrivait PAS à ne PAS penser. Hum... Eli' avait eu raison, il était bien trop cérébral.

Un petit rire furtif voulu traverser la barrière de ses lèvres, mais rien ne sorti et à la place, la douleur dans sa gorge augmenta. Il ne savait vraiment pas ce qui lui arrivait avec elle. D'ailleurs, il n'arrivait même pas à percevoir d'où venait la douleur tellement il avait l'impression d'avoir le cou pris dans un étau. Est-ce qu'il pourrait même manger et laisser un aliment glisser le long de sa trachée ? Cette question le rendit malade d'avance.

À ce moment, après quelques pas hésitant à travers la porte de ce qui avait sans doute été un labo de CryoLab, Esteban vit des gens arrivés vers lui. Une certaine détresse s'alluma quelque part dans son esprit et il tenta de calmer son rythme cardiaque ; il ne fallait pas être idiot, il avait lui même remarqué que d'autres "pods" étaient vides. La probabilité de croiser d'autres gens étaient donc très proche de un. Mais... Amis, ou ennemis ? Est-ce qu'il allait se faire détrousser à peine sorti de cet étrange sommeil ?

La réponse arrive d'elle-même lorsque l'homme le fit s'assoir sans agressivité -Esteban avait l'impression d'être aussi malléable qu'un enfant. Donc, cryopod, la cryogénisation. Okay, ceci pouvant expliqué cela. Il regarda l'homme partir et concentra ensuite son attention sur la jeune femme. Il était plutôt d'accord pour ne plus bouger de toute façon, il n'était plus enfermé dans une boîte de ferraille et personne ne semblait lui vouloir du mal pour l'instant. Il aurait voulu la remercier lorsqu'elle lui passa son manteau sur les épaules, un peu gêner malgré tout, il n'avait pas envie qu'elle est elle-même froid ensuite.

Elle se présenta, et elle lui demandait la même chose en retour. Esteban grimaça d'excuse pour elle et d'agacement pour la trahison de son corps. Il ouvrit la bouche une fois, essayant de faire passer ne serait-ce qu'un filet de voix. Ce fut un échec et sa mâchoire claqua lorsqu'il la referma. Occasionnant de ce fait une onde de douleur dans toute sa tête. Son mal de crâne ne s'arrangeait pas et sa gorge était en feu. Il fronça les sourcils, de mauvais poil et déterminé. Il essaya de chuchoter. Doucement il prononça la première syllabe de son prénom, le plus bas possible, avec un filet d'air simplement.

« Es... »

Il écarquilla ses yeux, lançant un regard d'angoisse et d'incompréhension à Nora. Il était proche de la panique. Il avait eu l'impression d'entendre quelqu'un d'autre, un mort, un fantôme, une personne qui avait tellement crié que sa voix s'était irrémédiablement brisée. Et il ne faisait que chuchoter. La douleur pulsait toujours dans son cou mais la crainte l'emportait sur le reste. Qu'est-ce qu'il pouvait faire ?

«Es...»
Nora sourit au nouveau venu. Sa bouche bougeait, pas aussi bien que son corps, cela se voyait, mais un son était sorti, il n'y avait donc pas de séquelles de ce côté là.

«Es... Escargot ?» dit-elle doucement, réprimant un rire avant de reprendre dans un tousotement gêné : «O-Okay, ce n'était pas drôle. Mais c'est positif, si déjà vous savez sortir un son de votre bouche, on ira doucement, d'accord ? Je ne veux pas vous assaillir d'informations alors que vous êtes dans les choux...»

Elle le fixa un instant, s'approchant un peu et l'examinant du regard sous toutes les coutures. Il n'a pas l'air dangereux.

«Vous permettez..?»

Elle demanda  l'autorisation plus par politesse qu'autre chose. Nora devait absolument vérifier l'état d'une marmotte à chaque fois. Elle commença alors le petit rituel inculqué par la pionnière des Bêtas.
Tâter les genoux et vérifier les réflexes, la même chose pour les autres articulations principales : Les chevilles, les coudes, les poignets, le cou... Pas de blessures externes ni d’hématomes importants... Elle continua son manège silencieusement pendant un petit temps, juste assez pour ne pas laisser davantage le jeune homme paniquer. Elle releva la tête vers lui et lui parla doucement, fixant ses yeux en même temps pour s'assurer qu'ils étaient assez vifs et attentifs :

«Vous n'avez rien d'apparent. Vous avez mal quelque part ? Vous arrivez à vous réchauffer ? Répondez-moi par des signes, si vous ne vous sentez pas de parler... On a l'habitude avec certains, ici...»

Elle lui accorda un dernier sourire léger, restant attentive à sa réponse, étant accroupie juste à côté de lui.

Esteban avait presque envie de... Bouder. Il ne pouvait pas parler, il avait l'impression que l'enfer cuisait allègrement sa gorge, sa tête continuait de pulser comme une mauvaise musique de techno' à chaque fois qu'il essayait de résoudre quelque chose de plus compliqué que 2+2. Oui il avait presque envie de se mettre en boule, rejeter tout le monde extérieur, mettre ses mains sur ses oreilles et espérer que tout s'arrange tout seul.

Ceci n'arrivant jamais, il écouta à la place Nora, qui tentait de faire de l'humour. Certainement qu'un sourcil sarcastique se leva à ce moment mais il préféra se convaincre du contraire. S'il avait eu sa parole, il aurait bien aimé avoir toutes ces informations dont elle parlait, parce que ne pas comprendre était vraiment quelque chose qu'il n'appréciait pas. À la place il se laissa manipuler, il reconnaissait des certains gestes qu'avaient déjà fait son kiné' lorsqu'il vérifiait qu'il n'avait aucun problème après une course où il avait il y avait eu un petit accro'.

Esteban hocha positivement de la tête aux deux questions qu'elle lui avait posées. Il avait mal encore à cette foutue gorge et à sa tête. Et le reste était de la fatigue, comme s'il avait beaucoup de courbatures. Pour le froid et bien, certainement qu'il avait eu froid après sa perte de connaissance mais comme il avait tenté le tout pour le tout pour bouger, il avait dû se réchauffer au moins un peu. Puis ensuite il s'était arrêté à la sortie et Nora et l'autre homme l'avait trouvé. Alors ça allait à ce niveau.

Il croisa les bras protectivement et planta son regard dans ceux de la jeune femme. Il ne savait pas trop comment communiquer avec elle. Il n'avait pas très envie de gesticuler dans tous les sens. Si seulement il avait de quoi écrire. Esteban grimaça, il leva l'une de ses mains jusqu'à son front et la passa dessus puis de l'autre, pointa du doigt sa tête en articulant silencieusement "mal". Ignorant la rougeur qu'il sentait monter dans son cou et sur ses joues, affreusement gêné d'avoir l'impression d'être de ces enfants, qui dans un caprice, refusait de parler, il recommença le même manège en touchant sa gorge.

Esteban avait appris à ne pas refuser l'aide qu'on lui apportait mais il détestait toujours autant cette sensation d'être inutile et par extension, d'une certaine façon, d'être dépendant. À la fin de ses gestes, il recroisa ses bras, et laissa ses yeux céruléens dériver au-dessus de l'épaule droite de Nora, la gêne le quittant à peine.

Nora était surprise de voir le jeune blond aussi calme, d'autres auraient déjà tenté de s'enfuir... avant de s'étaler quelques mêtres plus loin.
Elle observa son regard, ses geste assez précis et calme. La tête, il avait mal à la tête...

Elle se retrouvait un peu au dépourvu, n'ayant pas le matériel nécessaire aux éveils qu'elle prend pour faire ses rondes.

«A-Attends, je dois bien avoir quelque chose pour toi...» lui dit-elle, un peu gênée de ne pas avoir prévu. Comme si elle aurait pu de toute manière...

Elle se recala sur ses jambes, déjà accroupie et fouilla dans une de ses besaces accrochées à sa cuisse. Elle ne payaient pas de mine mais elles étaient fonctionnelles. Elle en sortit un fruit ressemblant à un kiwi bleu, avec une peau lisse elle souffla légèrement dessus avant de le garder dans sa main, sortant une petite gourde de sa ceinture et la portant en direction du visage de l'ex-marmotte.

«Tiens, c'est de quoi boire... Vous voulez un peu d'aide ?» demanda-t-elle, sans pour autant lâcher la gourde, de peur qu'il ne puisse pas la tenir tout seul. Elle le fixa un instant, avant de montrer le fruit.
«C'est mangeable, je t'assure. Malgré la couleur et son côté peu ragoûtant, c'est plein de sucre pour t'aider à mieux t'en remettre... E-Enfin, c'est déjà ça...»

La jeune femme se sentait désolée de ne pas avoir son nécessaire pour lui proposer tout ce dont ce nouvelle Éveillé avait besoin. Son réveil n'avait pas non plus été des plus charmants, mais elle ne voulait pas faire vivre ça à quelqu'un d'autre. Enfin, l'accueil de Kristen était beaucoup moins chaleureux que le sien...

Nora quitta quelques secondes l'inconnu du regard, pour se tourner vers l'endroit où il regardait. Elle avait vu qu'il ne la regardait plus dans les yeux depuis un petit temps. Elle roula son regard sur le paysage avoisinant tout en retirant la peau du fruit avec ses dents, telle une maman oiseau qui préparait le repas pour son petit. Du moins c'est la sensation qu'elle avait, en se retournant un peu gênée pour refaire face à son protégé du moment.

«Tout va bien..? Prend le temps...» parla-t-elle d'un ton rassurant, tout en montrant le côté du fruit qui était à présent croquable.

Esteban regardait avec méfiance les gestes de la jeune femme, enfin pas vraiment ses gestes, plutôt l’espèce de truc bleu qu’elle sortait de ses sacoches. La gourde encore, c’était plutôt familier. S’il était honnête avec lui-même, il dirait que ce « truc » ressemblait plutôt à un fruit. Ce ne devait pas être bien méchant, et sans doute que Nora ne commencerait pas à l’empoisonner maintenant, non ? Il grinça légèrement des dents avant d’arrêter car les vibrations continuaient de lui augmenter la douleur dans le crâne. Il devenait ridicule avec ce genre de penser, s’il devait fuir à un moment pour une raison x ou y, il le ferait ensuite lorsqu’il sera en état.

En attendant Esteban n’était qu’à moitié chaud pour réingurgiter quelque chose, la dernière fois, ça c’était plutôt mal passé et il n’avait pas très envie de retenter l’expérience ; sauf qu’il avait soif. Il se le disait depuis son réveil. Et sa gorge mince, y’avait-il des sortes de médecins ? Et comment le faire comprendre à la jeune femme ? Quitte à passer pour une chochotte, il serait brave plus tard ; pour l’instant il avait mal. Un mauvais regard vers la gourde toujours tendue vers lui, il l’attrapa d’une main sans que Nora ne la lâchât. Sans doute pour l’aider, il avait l’impression d’être un enfant –mais sérieusement, vu ce qu’il se passait depuis son réveil, il avait presque l’impression que c’était le cas. Esteban eut soudain une petite pensée pour tous les bébés qui naissaient faibles et sans connaissances. Respect les gars.

Il prit une gorgée d’eau, une toute petite, puis se tendit, il se recula légèrement du goulot et fit rouler l’eau sur sa langue. Courageusement, il commença à déglutir. C’était désagréable. En fait, pire que désagréable, le froid n’apaisait que le temps de passer puis ensuite la douleur revenait, plus vive. Encore une fois, il sentit son estomac se révolter, il posa sa main sur l’épaule de Nora pour l’écarter un peu pencha la tête vers le sol. Une inspiration, une deuxième. Il avait plus ou moins l’impression de baver sur le sol : déchéance. Au bout d’une petite minute quand rien ne vint, il se releva, l’écho de son sang à ses oreilles à cause des changements de positions et de son mal de tête. Bon, bien, parfait, il pouvait boire deux centilitres sans vomir. C’était correct. Il aurait ri de dérision s’il avait pu.

Il ferma les yeux brièvement, se sentait tanguer de droite à gauche, il n’avait pas particulièrement envie de s’évanouir de nouveau. Mais depuis tout à l’heure, il ne faisait pas vraiment ce qu’il avait envie de faire. Il amena ses doigts sur ses tempes et commença doucement de lents cercles. Aïe.

Nora sursauta quelque peu alors que le jeune homme la mettait de côté. Mais elle n'a pas eu peur, ou quoi que ce soit d'autre. Au moins, il a l'air un peu plus vif... pensait-elle. La rouquine s'étonna de réagir de manière blasée, elle devenait une ancienne du camp, à force de voir des réveils, des missions... Mais fallait-il s'en réjouir ? Elle metta ses pensées de côté, pour se re-concentrer sur le jeune homme à côté d'elle. Ce n'était pas le moment pour songer à d'autres choses...

Elle le regardait refuser le fruit, et, fronçant un peu les sourcils, elle croqua doucement dedans, mâcha et lui montra avant de parler lorsqu'elle avait fini sa bouchée :

«Je ne compte pas vous empoisonner, vous savez ? C'est juste bourré de sucre et juteux...»

Elle réfléchit un instant avant de poursuivre :

«Mh... Mais si vous as du mal à la gorge au point de ne pouvoir déglutir de l'eau... Il faudrait peut-être que je vous le pré-mâche et que je vous le donne comme une maman manoireau, de bouche à bouche ?»

Elle lui sourit un instant, se voulant sérieuse, avant de réprimer un rire, posant le fruit contre un tissu.

«Je plaisante bien sûr... Enfin, s'il faut se dévouer...» pouffa-t-elle à nouveau. L'attitude amère de l'ex-marmotte l'amusait un peu, Nora se revoyait elle même lorsqu'elle avait rencontré Edward lors de son réveil.
Elle passa une main de son front jusqu'à l'arrière de son crâne, chassant les mèches rebelles rousses venant cohabiter avec ses joues tout en fixant l'homme.

«Okay, "Es"... Vous n'arrivez pas à déglutir et visiblement vous faites votre difficile... Mais vous n'allez pas refuser ce que je vais vous donner cette fois.» affirma-t-elle avant de relever son visage, cherchant visiblement quelque chose.

La demoiselle trouva l'objet de sa convoitise, au vu du sourire qu'elle affichait, elle se releva lâchant un «Ne bougez pas !», tout en se relevant et filant en direction d'un buisson, qui semblait pour le moins normal. Elle tria et prit certaines feuilles -ressemblant à des feuilles de menthe- avant de revenir vers son protégé du moment, se mettant à sa hauteur :

«Vous voyez, ces feuilles pourraient vous aider, que ce soit par cette chaleur qui va vite devenir étouffante lorsque vous vivrez ici; Ou à cause de votre gorge, maintenant...»

Nora en prit une et la mit dans sa bouche pour montrer l'exemple, et après un petit instant, manqua de s'étouffer. Mais se justifia aussitôt entre deux misérables toux :

«Urgh... J'ai toujours du mal avec le mentholé- Eurk... Mettez ça sous votre palais et avalez votre salive qui sera plus fraîche, Es... Faites moi confiance, ça vous soulagera un peu...»

Elle lui tendit doucement une feuille moyenne, pour qu'il puisse essayer à son tour et pria qu'elle n'ai pas mit cette chose trop forte pour elle dans sa bouche pour rien. Ses yeux commençait à lui piquer, ils étaient humides, on pourrait confondre Nora à un chiot tendant la patte vers son maître, à cet instant précis.

Esteban renifla silencieusement lorsque Nora précisa qu’elle ne souhaitait pas l’empoisonner. Oui certes, il s’en était douté même si, dans un monde inconnu où il venait de se réveiller, il avait de quoi se poser la question. Il grimaça. Bien, monde inconnu et venir de se réveiller n’était plus à mettre dans la même phrase, ces expressions lui foutaient un cafard monstre.

Puis Esteban manqua de s’étouffer. C’était bête tout de même, après avoir survécu à une cryogénisation… Ne plus songer à cryogénisation non plus. À la réflexion de la rousse sur le nourrir comme une maman manoireau ? C’était quoi ça ? Ses yeux s’étaient écarquillés et il avait avalé sa salive de travers sachant parfaitement, sans connaître l’animal, ce qu’impliquerait le nourrir de cette façon. Maintenant, il se retrouvait à toussoter en essayant de ne pas aggraver sa douleur. Aïe. Un soubresaut plus fort. Tout en retenant sa respiration pour éviter les quintes de toux.

Décidément, il détestait sa situation, et envoya une œillade irritée vers Nora lorsqu’elle lui dit de ne pas bouger. Comme s’il pouvait aller très loin dans son état. Et si elle pouvait éviter de le tuer dans un même temps, il en serait particulièrement heureux. Conscient de sa mauvaise foi et du fait qu’il devenait puéril, il recadra ses pensées. Il en avait oublié son mal de crâne pendant un court instant, bien, il suffisait de manquer de trépasser pour ne plus souffrir à certains endroits songea-t-il avec sarcasme.

Esteban écouta religieusement l’explication de Nora lorsqu’elle revint avec ses feuilles d’arbustes, un sourcil sarcastique relevé et un petit sourire ironique. Après tout, un petit sentiment de vengeance tout à fait enfantin dansa la samba dans sa tête lorsqu’elle manqua de s’étouffer elle-même avec cette feuille, qui semble-t-il, était le pendant futuriste de la menthe. Esteban, cependant, accepta de lui faire confiance comme elle lui avait demandé et récupéra celle qu’elle lui tendait. Avec à peine une seconde d’hésitation, il décida de la mettre dans sa bouche et de la placer sur son palais comme elle lui avait conseillé. Au point où il en était, tout ce qui pouvait l’aider était bénéfique.

Il avala une fois sa salive, pas grand-chose ne se passa. Une deuxième, une sensation de fraîcheur passa. Ainsi de suite, au bout de la dixième fois, sa douleur semblait enfin sous contrôle. Il sentait toujours l’irritation et cette sorte d’étau autour de sa gorge mais tout semblait, mieux, sous contrôle. Continuant son manège, Esteban admira pendant quelque seconde la bouille de Nora, elle était mignonne comme cela, son regard humide à cause de la menthe. Elle semblait avoir en effet, vraiment du mal à supporter ce goût. Un sourire plus doux joua un instant sur les lèvres d’Esteban avant qu’il ne retente une expérience.

« Merci. »

Il fallait toujours tendre l’oreille pour entendre un son, sa voix ressemblait toujours à un mélange entre du papier de verre passé sur un tableau noir et une scie à métaux faisant son œuvre mais, quasiment sans avoir mal, il avait pu dire un mot. Prochaine étape, se mettre debout, non ? Il s’appuya contre le sol et fit signe avec son autre main d’aller vers le haut, comme pour se lever, le regard interrogatif. Il n’avait pas très envie de se mettre debout seul, il s’en sentait capable mais que sa petite guérisseuse rousse décidât ensuite qu’il était mieux les fesses à terre

Il a parlé ! Escargot a parlé ! Et il sait sourire en plus ! pensait Nora. Ce n'était pas folichon, mais c'était déjà encourageant !

Dans la joie et l'excitation d'entendre un bout de voix, la jeune fille s'exclama :

«Tu as parlé ! C'est génial !»

La rouquine perdit l'équilibre de ses jambes, étant accroupie. Une crampe sûrement, vu la chaleur et le manque d'eau et ni une, ni deux, et tomba sur les fesses, bien bêtement.

«... Tu n'as rien vu, Es.» dit-elle, plus calmement, et plus gênée tout en se relevant. La rouquine avait vu le signe du jeune Éveillé, il voulait se lever. Nora songea un instant, se demandant si c'était raisonnable, mais étant donné que la tête blonde devant elle savait (ou presque) parler, et qu'il avait su venir jusqu'ici tout seul, elle décida, avec le sourire, de lui tendre une main.

«Allez, tu as gagné, tu ne vas pas rester éternellement ici de toute manière. Je ne te promet pas une force herculéenne, mais si tu as besoin d'un appui.»

La jeune femme l'aida donc à le relever, voulant être un appui présent car elle n'était pas sûre à 100% de ses capacités pour le moment. Elle songea à son réveil qui fut un peu plus mouvementé et décida de prendre la parole, histoire de ne pas le rassurer, et de possiblement lancer une petite conversation.

«Tu as de la chance tu sais ? Tu as l'air robuste. Quand je me suis réveillée, je suis immédiatement étalée sur le sol, sans même pouvoir poser un pied hors du cryopod à son ouverture. J'ai passé quelques heures contre le froid glacial de l'acier, avant de réussir à sortir de la pièce... Pour m'évanouir...»

Elle finit sa phrase par un léger rire gênée, c'est vrai qu'en y repensant, elle avait l'air d'une larve. Et même encore maintenant, elle ne paraissait pas bien forte aux premiers abords. Elle scruta le décor autour d'eux qui lui paraissait sûrement plus familier qu'à Es... Avant de pencher la tête sur le côté, interrogative.

«On va se diriger vers le camp, pour que tu puisses t'y reposer et éventuellement avoir des soins plus efficaces. Tu as un souhait particulier..?»

Esteban attrapa la main que Nora lui tendait et se releva en essayant de ne pas trop faire s’aider de la jeune femme. Il lui faisait plus ou moins confiance mais il n’était pas vraiment léger. En fait, il pouvait même dire qu’il appréciait la demoiselle, il était sûr qu’il aurait pu tomber sur pire comme premier contact et se félicitait de sa bonne étoile ; même s’il s’était réveillé dans un monde inconnu qui ne semblait pas des plus inoffensifs. Il gardait une expression moqueuse de son petit incident mais démentit de toute méchanceté par son sourire plus doux.

Il garda l’une de ses mains sur l’épaule de Nora, au cas où il se sentirait flancher à un moment. Pour l’instant, même s’il se sentait toujours extrêmement courbaturé, ses jambes répondaient un peu mieux. Il jeta un coup d’œil en arrière en fronçant les sourcils et se demanda comment il s’était débrouillé pour se déplacer jusqu’à de son cryopod. Certes, il s’était plus traîner à l’aide des murs qu’autres choses mais d’après le récit de Nora, ce n’était pas le cas de tout le monde et son intuition lui disait que ce n’était pas une histoire de taille, de poids, ou de masse musculaire.

« Je me… Il avala encore une fois sa salive, la feuille de menthe toujours présente sur son palais, il aurait zozoté s’il ne parlait pas si bas, suis évanoui. Il fit une pause, pour se soulager. En une seconde.  »

Pour illustrer ses propos, il leva un pouce, les yeux rieurs. Il ne savait pas s’il s’était bien fait comprendre mais en tout cas, il ne fallait pas croire qu’il avait réussi à se sortir de là tout de suite. Peut-être que plus tard on s’évanouissait, plus tard on arrivait à se remettre de sa cryogénisation. Esteban rangea cette hypothèse farfelue dans un coin de son esprit. Il avait l’impression aussi, d’avoir un peu moins mal au crâne. À la question de Nora, il tenta de répondre succinctement.

« Les soins… D’abord… Te plaît ? »

Il tenta un regard de chiot tout en se disant qu’il avait l’air particulièrement stupide et enfantin. Il trouvait bête d’avoir passé sa vie à apprendre tout un tas de mots compliqués et développer un vocabulaire précis pour en être arrivé à ce point-là. Un petit soupire de dépit traversa ses lèvres tandis qu’il continuait de fixer Nora. Il se dit qu’ils avaient encore un petit peu de temps tous les deux donc il se lança.

« Et raconte.  »

Elle pouvait dire n’importe quoi mais il voulait des informations il agita une main en l’air pour englober tout le décor. Il avait vraiment envie d’en savoir plus.