Alexis est nerveuse.

Elle passe une bonne petite partie de son temps dans la Voûte. Moins qu'avant, mais quand ça ne va pas, si Liam n'est pas disponible ou qu'elle n'a simplement pas envie de le déranger, Alexis vient de réfugier ici. C'est un endroit bizarrement réconfortant, un symbole d'espoir. Alors que la plupart des gens déteste se retrouver ici, elle l'apprécie.

C'est pourquoi Alexis, après plusieurs semaines de considération et de réflexion, a fini par se proposer pour faire les rondes pour aider les nouveaux éveillés. Parce que ça ne la dérange pas, de descendre, alors autant prendre ce poids de sur les épaules de gens que ça dérange. Question de se rendre utile. D'aider. Tout ça.

Mais Alexis est nerveuse, pour une très simple et bonne raison: elle n'a jamais été bonne pour réconforter les gens. Jamais su comment s'y prendre pour ramasser quelqu'un qui souffrait, c'est le domaine de Ray, ça. Elle sait à peine se soulever elle-même, alors les autres, voilà. Mais elle se dit qu'il est temps de faire quelque chose. De prendre un peu du poids des autres sur ses épaules, parce que les autres semble prendre le sien sans rechigner.

Elle descend une à une les marches jusqu'au niveau inférieur de la Voûte, armée d'une couverture et d'une bouteille d'eau comme on le lui a conseillé. Alexis prends une grande respiration pour essayer de se calmer les nerfs. Elle traverse le réfectoire d'un pas décidé, et s'engouffre finalement dans la salle 1D. Elle observe les alentours, fait le tour, et un soulagement silencieux possède son cœur alors qu'elle constate qu'il n'y a personne.

L'anxiété revient alors qu'elle s'engouffre dans la 2D, trouvée aussi vide. De nouveau, le soulagement la prends pour un court instant, puis c'est la culpabilité qui étreint sa poitrine. Elle est ici pour aider, mais lorsqu'elle voit qu'elle n'a pas à le faire, elle est en soulagée. Elle ne devrait pas.

Mais ça ne sert à rien de s’apitoyer sur son sort. Alors Alexis secoue la tête, efface ces pensées et s'engouffre dans la 3D.

Immédiatement, son regard se pose sur la chose inhabituelle dans ce décor qu'elle connaît si bien. Une personne, qui titube vers la sortie, l'air confus et douloureux. Sans vraiment qu'elle ne s'en rende compte, Alexis jogge vers elle, son corps prenant le dessus sur sa tête dans cet instant. Elle attrape doucement les épaules de la marmotte, pour la soutenir, la tenant simultanément contre elle, sans forcer, lui laissant amplement le temps d'essayer de se détacher, et prête à s'éloigner légèrement au premier signe de recul.

▬ Salut. Je m'appelle Alexis. Tu viens de te réveiller, tu dois être perdue. Ça va aller. Je t'expliquerai ce qui se passe. C'est quoi ton nom?

Elle ne sait pas vraiment si elle s'y prend bien, ou affreusement mal, mais Alexis n'a plus le loisir de reculer, de se reprendre; alors elle continue. La peau de la marmotte est affreusement froide, donc doucement, dans des gestes lents, elle attrape la couverture qu'elle a amené et enroule la jeune fille dedans, puis commence à lui frictionner les bras et le dos, comme elle se souvient Liam a fait pour elle.

La marmotte reste dans ses bras, n'esquisse aucun mouvement de recul, et le soulagement envahi Alexis. Si elle l'avait repoussé, si elle avait paniqué, elle n'aurait jamais su quoi faire. Là, ça lui permet de rester calme, enfin, aussi calme qu'elle le peut. Ce qui ne l'est pas tant que ça, finalement, mais ça va. Elle tient le coup. Ce n'est pas elle qui souffre le plus, de toute façon.

Comme ça, avec cette toute petite fille, plus chétive qu'elle - bien qu'elle ne soit plus aussi chétive qu'elle a pu l'être - dans ses bras, elle sait un peu quoi faire. Elle pense à ce que Liam a fait pour elle, quand c'était elle qui venait de se réveiller, qui paniquait à n'en plus finir. Et intérieurement, elle est contente de n'être pas devant un cas aussi difficile qu'elle l'a été. Alors elle continue doucement de frictionner les bras et le dos de la marmotte, pour la réchauffer.

Elle baisse le regard vers elle alors qu'elle entend sa voix, qui la remercie. Elle la remercie. Cette fois, c'est une certaine fierté qui l'envahi. Elle gère, là. Pas trop mal. Assez bien pour faire naître de la gratitude. Et honnêtement, en ce moment, tant que la marmotte va un peu mieux, c'est ça l'important. Qu'on la remercie, ça veut dire qu'elle aide. Qu'elle ne fait pas n'importe quoi.

Alexis a l'impression que Ray serait fier d'elle. Et ça fait naître un léger sourire sur ses lèvres, qui y passe comme une ombre. Puis, la marmotte lève les yeux vers elle, lui offrant un sourire minuscule. Comme pour dire que ça va, même si ça ne va pas. Abigail.

▬ C'est joli, Abigail.

Et elle lui sourit, elle aussi. Puis, elle remarque les larmes qui tracent leurs sillons sur les joues d'Abigail, et son sourire tombe. Et son cœur se crève, aussi, de voir le contraste entre ce petit sourire qu'elle tente et les pleurs qui tachent son visage. Alexis lève sa main droite vers le visage de la marmotte, lentement, doucement, et essuie quelques larmes avec son pouce.

▬ Tu pleures?

Comme si elle ne le réalisait pas. Mais la preuve est bien là, nichée sur la peau de son pouce dans ce geste qu'elle veut réconfortant. Elle a mal pour Abigail, de la voir pleurer, comme ça, et elle ne sait pas trop comment s'y prendre pour l'aider. Alors elle réfléchit, une fraction de seconde, et elle se rappelle de ce que Ray faisait quand elle pleurait, elle. Et ce que Liam fait, pendant qu'il n'est pas là.

Alors elle serre doucement la marmotte contre elle, continuant de lui frictionner les bras et le dos, de façon à lui montrer qu'elle est là. Qu'elle est là pour elle et qu'elle peut compter sur elle, s'appuyer sur elle. Si ce n'est pas pour toujours, parce qu'Alexis ne sait trop comment faire pour être le pilier, plutôt habituée à être celle qu'on soutient, au moins, ce sera pour maintenant.

▬ Ça va aller, t'inquiète pas. Je suis là.

Elle réfléchit, un instant, à ce qu'elle voulait, elle, en se réveillant. À ce dont elle avait besoin. Et à la limite, à ce qu'elle veut quand ça ne va pas, peu importe le contexte.

▬ Tu veux que je t'explique ce qui se passe, ou tu préfères te réchauffer avant? Tu veux qu'on sorte d'ici?

Et elle sourit, plus dans un effort de la réconforter que par réelle envie. Mais c'est ça la vie, parfois, souvent même; on ne sourit pas pour soi-même, mais pour les autres.