Kristen, c’était le nom de l’Amazone, venait de tirer sa réelle flèche. Elle venait d’énoncer une vérité fracassante, plus brutale encore que la pointe qui avait sifflé à quelques centimètres de son visage quelques instants plus tôt. A l’annonce de ce qui était donc son nouveau calvaire, Edward avait dégluti avec difficulté. Lentement, les brumes de son éveil s’évinçaient pour faire place à la réalité. Ils étaient piégés. En son for intérieur, quelque chose se brisa. Comme le verre qui éclate en mille morceaux. Il revit quelques moments, ses quelques prestigieuses escalades ou sa mère, mais il avait déjà accepté son sort.

C’était Nora, l’émotive. C’était à elle de réagir de façon excessive, de réagir tout court en réalité. Il n’avait aucune autre question car il savait que Kristen disait vrai. Elle évoquait les autres gens, semblable à une communauté qui tentait encore de comprendre ce qui se passait à son quotidien. Elle évoquait cette impossibilité de retrouver le cours « normal » de la vie, celui où chacun avait une belle vie. Aux mots qu’elle employait, il savait qu’un bouleversement avait eu lieu.

Il se rappelait maintenant la veille. Il n’avait pas passé la soirée à boire. Il n’avait pas vidé son saoul dans un quelconque bordel. Il n’avait pas vécu un mauvais trip dû à un quelconque excès. Il se souvenait maintenant de ces hommes et femmes, de cette foule derrière lui. Il avait été appelé. Il s’était changé. Il était entré dans le cryopod. Maintenant, il se rappelait. Il savait que tout ceci était vrai. Et au vu de la gueule du chien, nul doute que la faune était à jamais transformée. Si c’était le cas, la flore avait sûrement vécu la même transformation.

Il prend une profonde inspiration alors qu’il n’écoutait plus vraiment Nora. Il l’avait entendue évoquer un chat, et une sœur, sans qu’il ne remarque vraiment ce qui arrivait tout autour de lui. Il avait observé Kristen se déplacer, sans la chercher davantage du regard. Il continuait de procéder en son esprit les informations, le puzzle qui se construisait. Il lui manquait encore des informations, bien sûr. « Donc, il existe comme une communauté, c’est ça ? » Il se tait. Il ne sait pas comment formuler la question qui suit, aussi la lâche-t-il comme elle lui vient. « Vous faites quoi de vos journées exactement ? » Puis, continuant de poser ses questions qui lui viennent à l’esprit, quasiment de bout en blanc, il lâche encore. « Qu’est-ce qui a véritablement changé ? »

Et puis, de façon tout à fait banal, se tournant vers Kristen. « Nous sommes quand ? »