La douleur. Elle est incroyable cette douleur. Comme si c'était la première fois qu'elle la ressentait. La douleur primaire, celle de l'existence, celle qui suit la vie. La douleur de celui qui entre en collision avec  avec l'air, l'air qui donne un coup dans les poumons, avec le froid, le froid qui donne un coup dans le ventre. Lotsé entre pour la première fois depuis la première fois dans le cours des choses. Elle ne pensait pas que c'était possible de naître comme ça à nouveau.

Lotsé a déjà oublié la voix dépersonnalisée. De toutes façons elle n'a rien écouté. C'est trop dur d'avancer, là, trop dur de serrer les poings. Elle ne peut plus rien, elle a perdu sa capacité à pouvoir. Si elle était du genre à paniquer elle s'alarmerait du fait que plus aucun de ses muscles, passés sous silence par la température, ne répondait à son cerveau. Plus d'emprise sur rien. Plus que cette glaciation. Une panique immobile et hégémonique.

Lotsé ne sort pas de son cryopod, elle en tombe. Elle s'effondre ventre à terre de tout son corps flétri par ce pseudo sommeil qui lui a balayé les connecteurs. Tous les horizons d'une possible chaleur disparaissent tandis qu'elle rampe lentement, les capacités cognitives plongées dans une brume en niveaux de gris. Elle ne tremble pas. Elle n'a pas la nausée. Son regard est inerte et elle n'éprouve rien. Il y a juste cette douleur qui n'est même plus une sensation, mais une deuxième peau, un épiderme greffé à vif par dessus le premier. Par-dessus cette combinaison qu'elle ne se souvient pas avoir enfilée un jour.

Des larmes mécaniques grimpent à ses yeux vitreux et ruissellent goutte à goutte sur son visage. Elle se recroqueville brusquement sur elle-même sans comprendre la violence de ses actions. Sa bouche est grande ouverte, mais toutes les fibres à l'intérieur sont trop tendues pour pouvoir crier à l'aide, crier n'importe quoi. Tout ce qui se produit là, maintenant, tout de suite, relève de la même brutalité qu'un choc anaphylactique après un beaucoup trop long coma.