« ah ezrah... » dit-elle la voix  rendue rauque par une nuit agitée et un sommeil introuvable. Elle tenta une énième fois de s'éclaircir la gorge pour la journée mais la moiteur de l'air et son système immunitaire affaiblit l'avait rendue malade. Tant est si bien qu'elle reniflait toutes les deux minutes et que ses yeux pleuraient de temps à autre.
C'est ce qu'elle pensait en tous cas... Rien à voir avec Kiba, non vraiment, rien.
Elle s'assit sur le bord de la table d’examen et regarda le pauvre bougre bien mal en point qui tenait lieu et place d'Ezrah.
Ces excursions dans le passage de la Voûte n'avaient décidément rien donné de très bon pour tout ceux qui y étaient entré. Et aujourd'hui, 24 heures après, toutes les personnes ayant un minimum de connaissances médicales étaient réquisitionnées et agglutinées au centre de soins.
L'ambiance n'était pas des plus fameuses, autant le dire.
Mais elle s'escrima quand même à paraître la plus aimable possible, pour ne pas ajouter à la peine du jeune homme.

« Tu te sens assez bien pour que je commence ou la nausée est toujours là ? »

Il était si pâle, la tête dans son bassinet. Si amoindri, lui qui, d'ordinaire, ne pouvait s'empêcher de placer une ou deux blagues idiotes, était à cet instant pas beaucoup plus consistant que son ombre. Evy eut un petit sourire désolé face à ce spectacle, elle espérait - évidemment – qu'il se remettrait vite. Les autres aussi. Et Kiba aussi. Bien sur...

La question qu'il lui posa alors la fit un instant douter de ses propres oreilles. Elle le fixa, incrédule, et, voyant qu'il ne tentait pas de reformuler ou de répéter, elle en déduit qu'elle ne s'était pas plantée.
Mais... « Qu'est-ce qu'il s'est passé quand ? »

Elle avait du mal à replacer les faits dans leurs contextes, du mal à trouver la raison qui le poussait à poser soudainement cette question. Elle comprenait difficilement qu'autre chose que son propre état puisse le préoccuper au point qu'il pose une question aussi décalée par rapport au sujet de départ de la conversation.
Non vraiment, elle ne comprenait pas.

Alors elle restait immobile, une main posée sur la hanche, attendant plus de précisions. Du quand, du comment, du pourquoi, du qu'est-ce que tu veux entendre ? Sur qui, sur quoi, sur quand ?

Tressaillante au contact physique, elle retire sa main bien plus vite que de nécessaire. Mais qu'est-ce qu'il a à la fin ?! Interdite, elle le fixe sans ciller, les sourcils froncés par l'agacement qui surgit soudain. Incompréhensible vraiment, elle trouve cette situation de plus en plus étrange et dérangeante. Reculant d'un pas pour pouvoir être hors de portée d'une quelconque nouvelle tentative de... De quoi d'ailleurs ? De sollicitude ? D'auscultation ?

« Je n'ai pas de fièvre. » dit-elle, les sourcils toujours froncés, le visage fermé. « Et je ne comprend toujours pas où tu veux en venir Ezrah. »

Et à vrai dire, elle s'en contrefout. Ce qui l'a amené ici ce matin sont les soins. Les soins qu'elle se doit de prodiguer tant qu'elle tient encore debout. Tant qu'elle arrive à passer la porte sans avoir de réminiscence, tant qu'elle est encore groggy. Qu'elle ne réalise pas, qu'elle ne veut pas réalise.

« Je voudrais pouvoir t'examiner maintenant ok ? »


.. sans que ce soit encore plus bizarre.

L'incompréhension est telle qu'Evy songe sincèrement à quitter la pièce sans rien ajouter de plus. Mais la fuite physique ne changerait rien au fait qu'elle ne comprenait pas ce qu'on lui demandais et elle avait une sainte horreur de rester dans le flou. Frottant son visage à une main pour tenter de chasser la fatigue, elle écouta à nouveau incrédule, ce que lui disais son remuant patient.
Vu un mort ?
Petit à petit se décortiquait dans sa tête la solution au quiproquo qui s'étalait en longueur.
C'est vrai qu'elle ne s’était pas regardé depuis un moment mais quand même.... Etre défaite au point de faire peur à Ezrah ? Elle trouvait ça un peu beaucoup.
Et soupçonnait l'Alpha de dramatiser la situation. Tant est si bien qu'elle ne put retenir un soupir exaspéré.

« Me reposer pour quoi faire ? Les gens ont besoin de moi, on est en sous-effectifs avec tous les événements récents. Wade est hors service, Cece et Rose plus ou moins aussi... Cherry s'occupe de Kiba […] »

Elle récupéra ses affaires pour les poser sur la table à côté d'Ezrah continuant d'expliquer la situation sur un ton détaché, comme si tout ça n'était rien, comme si ça ne l'atteignait pas.

« Je me reposerais quand tout ce bordel sera terminé. Maintenant laisse moi t'examiner. »

La réaction d'Ezrah fait sursauter Evy, de plus en plus agacée. Une colère injustifiable et incompréhensible l'assaille, réchauffant ses joues ternes d'un rouge qu'il ne fait pas bon voir. Elle l'attacherait bien à son lit si ça lui permettait enfin de l'examiner. Elle est là pour ça après tout, l'examen. L'examen. Ce mot qui tourne est retourne dans sa tête fatiguée, une idée obsédante qui harasse un esprit embrouillé. Si elle ne l'examine pas alors à quoi ça sert qu'elle soit là, à quoi sert-elle si elle ne peut faire ce pour quoi elle s'est déplacé ce matin jusqu'à cet endroit qu'elle abhorre maintenant.

Les réminiscences du jour précédent poussent à la porte de sa conscience, lui causant un mal de crâne de l'Enfer.  Et avant qu'elle n'ait pu contrôler quoi que ce soit, la voilà plus sèche et sévère que jamais, intimant l'ordre à Ezrah de s'asseoir.

« Assied toi et laisse moi faire cet examen. Tout de suite. »

Non elle ne veut pas en parler, pas y penser.
Mais c'est déjà trop tard, et plus que les images, c'est la bande son qui défile dans sa tête. Et cette odeur métallique et celle putrde de la chair qui commence à se décomposer. Elle sent encore l'âcreté sur sa langue et dans une grimace, elle dépose ses affaires sur la table, retire la vieille blouse blanche élimée, marmonnant un « je ne peux pas continuer. » et traverse la pièce d'un pas tremblant mais décidé.

« Kiba a perdu son bras, Clyv le lui a coupé. » lance-t-elle avant de passer la porte et de disparaître au dehors.

Elle ne rêvait que de dormir, juste dormir. Sans se réveiller, un, deux, trois jours et finir par ouvrir les yeux et se dire que tout ça n'était qu'un cauchemar. Jusqu'à présent, elle avait tout supporté sans rien dire, sans rien demander. Ça avait été long, ça avait été compliqué, dur et peinant la plupart du temps. Mais elle avait continué, quand même, acceptant la réalité – ou plutôt évitant la réalité en restant bien cachée derrière Kiba. Il avait toujours été en première ligne et aujourd'hui il payait.
Et elle trouvait ça tellement injuste.
Elle n'avait jamais été aussi proche du burn-out qu'en cet instant.
Il fallait qu'elle dorme.
Elle en rêvait.
Dormir.
Et alors qu'elle était certaine d'en avoir terminé avec Ezrah, il était à nouveau là. Et un bref instant, elle eut l'intention de le gifler. Qu'enfin elle soit tranquille.

Puis Evy réalisa.
Qu'est-ce que j'ai...

« Tu n'aurais pas du te lever si vite. Je vais t'aider à retourner à l'intérieur. »

Elle lui tendit la main, la lourdeur de la fatiguer ajoutant une touche dramatique à son geste.
Après, elle irait dormir. Promis.

Evy ne s'attendait pas à un contact physique aussi brutal et inopiné. En fait, elle ne s'attendait jamais à aucun contact physique et maintenant qu'elle était étouffée par une étreinte qu'elle n'avait pas demandée, ses membres se trouvaient paralysés.
Les bras le long du corps, ballants, sans rien pouvoir faire d'autre que d'attendre nerveusement qu'il ait fini de la serrer. Mais il ne la lâche pas et s'excuse. Des excuses sans raisons ouvertement valables.

Et elle ne comprend pas, parce que son cerveau est asphyxié par le paradoxe de la douceur du geste et de la maladresse de son exécution. Parce qu'une foule d'émotions cognent et cognent encore dans son corps trop petit pour tout contenir.
Elle reste muette, interdite et tente tant bien que mal de trouver une réponse adéquate. Elle sent le poids de la fatigue, de la tristesse et des larmes. Elle est à bout de nerfs, ses yeux laissent couler les quelques larmes qu'il lui reste..
Et pour une fois, elle les verse pour elle-même.

Maladroitement, elle pose ses mains contre le dos d'Ezrah et tapote avec le plus de gentillesse possible. Ridicule, mais c'est tout ce qu'elle arrive à faire. Elle pourrait lui dire que ça va aller, ce serait peut-être un peu réconfortant mais ce serait mentir. Elle pourrait étendre ses bras et serrer aussi fort qu'il le fait mais il ne lui reste plus aucunes forces.

« Ezrah s'il te plaît... tu sers trop fort. »

Ses mains retombent et elle sourit - ou grimace, ou peut-être un peu des deux. Elle déglutit, parce qu'elle étouffe pour de bon.

ses mots sonnent comme une évidence aux oreilles d'Evy. se reposer oui, peut-être qu'elle l'a bien mérité, ce repos dont on arrête pas de lui parler. alors elle acquiesce en silence, les yeux fuyants. c'était étrange comme moment, maladroit,vraimentpas quelque chose dont elle pouvait se targuer d'avoir la maîtrise. mais elle admettait en sor for intérieur que l'étreinte avait eu le mérite de la réconforter un epu.
et c'était paradoxalement quelque chose d'énorme pour la jeune femme. elle avait récupéré juste assez d'énergie pour esquisser un demi sourire avec gentillesse.

« oui, j'y vais de ce pas. tu devrais retourner au centre de soins. »

elle balaye les alentours du regards et finit par revenir sur Ezrah. « merci »souffle-t-elle avant de tourner les talons sans attendre de réponse, un geste de lamain en guise de simple "à plus tard", droit vers sa hutte. elle va s'allonger et essayer de dormir.
Sans savoir que les quelques hures de sommeil consécutifs qu'elle grappillerait seraient les dernière heures de sommeil calmes des prochaines semaines.