Jour 126 | Please to meet you ▬ Celian Fawkes

C'était ton meilleur ami qui avait du te porter pour te sortir de la voûte. Il avait ensuite dû te tirer jusqu'à cet endroit. Le centre de soins. Tu avais compté les jours. C'état long. Tu ne savais pas quoi faire. Tu ne voulais rien faire. Tu ne pouvais rien faire. Tu étais handicapé. Tu étais misérable. Alors, depuis onze jours. Onze putain de jours. Tu étais étalé là. Tu n'avais pas de chez toi. Tu n'avais rien. Liam n'était pas encore repassé. Tu ne lui en voulais pas. À ce qu'on t'avait dit, les journées étaient plutôt bien chargées.

Et puis de toutes façons, tu ne lui en voulait pas. Pas du tout. Tu étais même plutôt content de ne pas avoir beaucoup de visite. Tu avais honte, et personne ne pourrait t'en vouloir. Tu débutais dans cette nouvelle vie avec de la merde jusqu'au cou. Peut-être plus. Alors, tu en voulais au monde. À l'univers. Tu voulais te mettre debout. Tu voulais pouvoir te lever. Découvrir la nouvelle Wooden Cove. Tu voulais pouvoir récupérer tes effets personnels. Même, si en réalité tu ne pensais pas être un jour capable de retourner là-bas. Là où tu t'étais écroulé. Et visiblement, tu ne t'en relèverais pas. Tu avais beau essayer, ta jambe gauche était morte. Ton bras gauche ne cessait de trembler quand tu tentais de t'en servir. Tu allais devoir devenir droitier. Au moins pour un temps. Même si tu étais persuadé que rien ne reviendrait. Au mieux, tu pourrais demander de l'aide et on pourrait trouver un substitut.

Mais tu aurais préféré mourir que demander de l'aide. Toi, tu ne pouvais pas te rabaisser à demander de l'aide. Tu étais au-dessus de ça. Tu valais mieux que ça. Et puis, de toutes façons, tu n'étais même pas certain de vouloir t’accommoder de la nouvelle vie. Seulement, tu ne voulais pas non plus mourir pour autant. Tu avais une certaine curiosité.

Pour l'instant tu voulais juste rester là. L'esprit dans le vague. Il n'y avait pas de solution pour toi. Tu allais attendre jusqu'à la fin. Parce que tu étais bien trop con pour demander de l'aide. Parce que tu étais bien trop arrogant pour te rendre à quel point tu avais besoin de cette aide. Et bien trop égoïste, c'était sans doute pour ça que même ton meilleur pote ne venait pas te rendre visite. Et puis, de toute façon, tu ne te tenais au courant de rien. Tu ne savais trop rien de l'extérieur. Personne ne voulait véritablement te parler, ici. Tu envoyais chier tout le monde à une vitesse incroyable. Tu étais à peine poli.

En fait tu étais un patient terrible. Tu étais un poids pour cette communauté. Tu le savais. Seulement ce n'était pas comme si tu avais pu faire quoi que ce fût pour être utile. En dehors du fait de demander de l'aide. Tu étais paralysé. Que diable pouvait-on attendre d'un estropié ? Rien. Il aurait peut-être fallu te loger une balle dans la tête... S'il y avait encore des armes à feu.

Tu aurais pu passer tes journées à dormir. Seulement, tu n'étais pas ce genre d'incapable. Tu aurais pu faire tant de choses si seulement tu avais pu te déplacer. Tu ne tenais pas en place, tu le savais. Alors être là, c'était une torture sournoise. Tu avais tellement de temps pour penser... Trop. Juste trop. Il fallait que tu sortes. Tu allais te rendre fou.

Tu étais si contradictoire dans tes pensées. Comme un adolescent paumé. Tu ne voulais pas d'aide mais en avait désespérément besoin. C'en devenait presque palpable. Tu étais trop confus. Après tout ce temps passé là, tu n'étais toujours pas foutu de ravaler ta fierté mal placée. Même si plus ça allait plus tu pensais que la prochaine personne qui allait arriver là aurait non seulement à te supporter mais en plus à t'entendre pleurnicher.

ϟ NANA

Celian nageait encore un peu dans le brouillard. Il ne comprenait pas vraiment son environnement. Il avait placidement suivi la vie de la communauté ces deux premiers jours, mais il avait bien conscience que cela ne pourrait pas durer. Il allait devoir surpasser ce malaise et cet égarement pour se rendre utile à son tour ; bien qu'il se questionnait encore sur ce que pouvait bien faire un pauvre restaurateur d'art muni d'un pinceau dans sa poche, dans un univers aussi hostile que celui qu'il commençait à découvrir. Le matelas dont il avait rêvé à son réveil, il ne risquait pas de le voir de sitôt.

Seulement, il était un peu difficile de se concevoir utile pour le moment, alors qu'il comprenait toujours à peine ce qui s'était produit durant son sommeil prolongé, et que ses nausées ne le quittaient pas. Il aurait adoré avoir pu trouver une boîte de médicaments dans ses effets personnels à son réveil. Même périmée, il aurait descendu la boîte sans hésiter tant le sensation d'être sur le point de rendre ses tripes à chaque instant était désagréable. Au pire, qu'aurait-il risqué ? D'avoir encore davantage envie de vomir ?

Fatigué de cet état, il s'était renseigné, et on lui avait indiqué les vestiges d'un centre médical. C'était main près des lèvres qu'il s'y rendit, hésitant et méfiant. Tout était si surprenant depuis deux jours qu'il ne savait plus à quoi s'attendre.
Pourtant, il n'y eu rien de diabolique à l'intérieur. Juste cette personne immobile, dont il reconnaissait vaguement le visage. Il l'avait peut-être croisé lors d'un repas ? Un peu mal à l'aise, Celian lui fit une salutation de la main.

- ... je dérange ? Je suis un peu à l'ouest, je me suis réveillé avant-hier et je me sens pas vraiment bien depuis alors j'espérais trouver un truc ici mais...

Mais après coup, en fait, ça ne l'inspirait pas vraiment. Enfin, en soit, même un remède de grand-mère lui irait, pour peu que ça s'arrête. Les hauts le coeur, ça commençait à sérieusement le fatiguer, ce qui était assez ridicule après avoir autant dormi.

C'était comme si un Dieu, peu importe lequel t'avais entendu. Mais avait fait ce qu'il voulait. Le gars qui venait de débarquer avait l'air à peu près aussi perdu que toi. Non, beaucoup moins en fait. Vu qu'il tenait sur ses deux pattes, lui. Ce qui ne serait plus jamais ton cas. Boom, bitch. Tu hésites à lui répondre. Mais en même temps, t'as l'air d'être le plus conscient des personnes présentes. Alors, tu ravales ton venin. Et tu réfléchis un peu. Ca faisait dix jours que t'étais là. Tu avais forcément retenu des choses.

En fait, ici, c'était devenu ta maison. Alors bien sûr que t'avais retenu l'emplacement des choses. Ce n'était pas comme si tu avais autre chose à faire. Alors tu le regardes. Tu ne comprends pas vraiment ce qu'il veut. Il n'avait pas l'air de le savoir lui même. Mais tu comptais sur le fait qu'il t'aide ensuite. Alors tu poussas un soupir bien audible avant de lui répondre.

« Tout dépend de ce que tu cherches. »

Wouah. T'avais presque été sympathique. T'avais pas craché comme un chat. On aurait presque pu croire que t'étais bienveillant... Si peu. Même si, oui, tu voulais l'aider. Enfin, pour ça il allait falloir qu'il se mette à faire des phrases avec un peu plus de sens et d'informations, parce que pour l'instant c'était plus comme si vous ne parliez pas la même langue.

« Va falloir être plus explicite. »

Tu n'avais pas pu t'empêcher d'en rajouter une couche, au cas où il n'ait pas compris la première fois que tu lui avais dit. Comme s'il était stupide. Alors que tu n'en savais rien. Et quand bien même il fallait que tu te souviennes que c'était sur lui que tu comptais pour pouvoir sortir de là. Ca serait quand même très con de ta part de l'envoyer chier comme un malpropre. Mais c'était probablement déjà trop tard.

ϟ NANA

Et bien, et bien... Celian avait connu gens plus hospitaliers. Autrefois, avant son réveil. Il se souvenait d'amis toujours prêts à lui ouvrir sa porte, et il voyait défiler sur son propre canapé les têtes d'anciennes connaissances. Seulement, tout cela datait sans doute. Il ignorait même s'il reverrait ces visages un jour. Dans ce nouvel ordre, l'hospitalité, l'amabilité, ou quelque soit la façon de désigner sa capacité à accueillir autrui, ça ne devait plus être quelque chose de particulièrement important.
Et, en un sens, Celian pouvait le concevoir. Cette situation, dont il ne connaissait toujours pas grand chose, était assez désarmante pour mettre n'importe qui à cran. Et, les personnes anxieuses, forcément, pouvaient se montrer plus irritables que les autres. Un phénomène assez fascinant, aux yeux de Celian, qui portant ne se sentait pas l'âme à s'extasier devant quelques curiosités comportementales humaines.

Intérieurement, Celian aurait apprécie de asvoir à qui il avait affaire, mais il avait le sentiment que la moindre question ne ferait qu'agacer davantage cette personne. Pourtant, oui, il brûlait de curiosité. Il voulait savoir son nom, depuis quand il était réveillé, quelle vie il menait auparavant, ses centres d'intérêts, les raisons de son humeur. Seulement, Celian se choisit sage, et adressa un maigre sourire à son interlocuteur. Peut-être celui-ci pourrait-il l'aider malgré tout.

- Désolé, je crois que je t'embête un peu, mais je devrais pas en avoir pour longtemps.

C'était poli, comme formulation, mais c'était également honnête. Soit ce lieu contenait ce dont il avait besoin, soit il n'y avait rien. Dans les deux cas de figure, il n'aurait pas à s'éterniser ici et pourrait se carapater assez rapidement pour n'ennuyer personne ; même s'il ignorait bien ce qu'il pourrait faire ensuite.

- Je suis nauséeux depuis mon réveil avant-hier. Je me demandais si il restait des médicaments utilisables quelque part.

Celian croisait les doigts avec espoir. Il avait bien cru comprendre d'une longue période s'était écoulée, durant son sommeil forcé, mais peut-être que certaines personnes avant lui avaient essayé un cachet ou deux et qu'ils avaient conservé leur efficacité ? C'était toujours beau de rêver et d'y croire, au moins.

« Oh, tu viens de te réveiller. »

Voilà qui avait piqué ton attention. Parce que finalement tu n'étais jamais allé voir ce qu'il y avait là-bas. Ce n'était pas comme si tu pouvais. Et c'était terriblement frustrant. Et en l'entendant parler de ses nausées, tu te surpris l'envier. Tu aurais survécu aux nausées. Mais là tu n'étais plus qu'un légumes uniquement capable de se morfondre. Tu étais si égoïste. Mais quand même tu portas une réponse à sa question. Sans doute dans l'espoir qu'il reste un peu et que tu puisse avoir une conversation avec lui.

« C'est dans le placard là-bas, tu trouveras peut-être quelque chose. »

Ton acte vu maladroit, tu avais encore du mal à t'habituer à la nouvelle utilisation de ton bras droit. Il n'était plus le secondaire mais le principal. Et il servait maintenant de bras à tout faire. Tu remuais ton bras gauche, mais il n'était plus aussi efficace qu'auparavant, à ton grand désespoir. Tu n'étais pas spécialement amical, mais pour le coup tu avais bien besoin d'un peu de compagnie. D'avoir une discution avec un autre être humain.

« Et du coup, c'est comment là-bas ? On m'a dit que ça avait changé, mais je suis pas encore allé voir. »

Dis comme ça, on aurait pu croire que tu allais y aller tout de suite après la fin de cette entrevue.

ϟ NANA

Celian jeta un oeil au placard qu'on lui désignait. Il espérait vraiment y trouver quelque chose. Il abandonna l'autre jeune homme quelques minutes, le temps d'ouvrir la porte du placard et de fouiller du regard ce qu'il contenait. Diverses choses, effectivement, que même quelqu'un sans connaissances en médecine comme lui pouvait reconnaître comme étant des médicaments de base. Il y reconnut vaguement le nom d'un médicament antiémétique, en connaisseur à cause de son mal des transports, mais avec finalement le butin recherché en main, Celian fut saisi d'un doute. Est-ce que c'était vraiment sans risque, d'avaler ça, alors qu'on ne savait pas depuis combien de temps ça traînait ?
Soudain dégonflé, Celian choisit de ne rien prendre. Il fit seulement semblant, dos à l'autre personne, de se soigner, histoire de donner l'illusion qu'il ne l'avait pas dérangé pour rien, mais tout bien réfléchi, Celian préférait conserver ses nausées plutôt que de réellement tomber malade à cause d'un médicament périmé. Et, ceci fait, il se retourna vers celui qui l'avait aidé, un peu surpris de sa question.

- Des changements... ? Je ne sais pas trop. Rien n'a changé entre avant-hier et aujourd'hui. Mais je ne sais pas à quoi ça ressemblait avant mon réveil. Il s'est passé quelque chose.... récemment ?

Puisqu'il y avait eu des changements, cela voulait sans doute dire qu'il s'était passé quelque chose, mais quoi ? Clairement, ça restait à déterminer. Celian était encore complètement à côté de la plaque concernant les actualités de la communauté. Il se mettait à la page petit à petit, mais ça prenait du temps.

- Du coup... toi tu es réveillé depuis longtemps ? osa le question Celian.

Il avait l'air de s'être réveillé avant lui, dans tous les cas. Quant à savoir ce q'il faisait tout seul ici, se serait certainement sa prochaine question, s'il ne se prenait pas un trop gros vent à ces deux premières.

Tu secouas la tête. Il avait compris de travers. Un long soupir s'échappe de tes lèvres. Pas très doué pour cacher tes sentiments profonds. Pas non plus comme si c'était ce que tu cherchais à faire. Visiblement, il avait ce qu'il lui fallait. Tant mieux pour lui. Ce n'était en aucun cas ton problème. Ce n'était pas toi qui aurait ces nausées insurmontable.

« Mh, je parlais plutôt des changements qu'il y a eu dehors. Par rapport à avant tu sais. »

Tu t'étais servi d'un ton assez neutre. Pas méchant. Mais pas non plus si sympathique. Tu te rendais bien compte qu'il n'y avait pas moyen pour qu'il soit au courant que tu étais une loque incapable de te déplacer correctement. Il fallait le deviner. Du coup, tu trouvais que tu avais été finalement gentil.

« Douze jours que je suis sorti de la voûte. »

Tu pensais que tu allais te contenter de répondre à sa question. Seulement tu savais pertinemment que ça n'allait pas être possible. Il allait te poser d'autres questions maintenant que tu avais bien voulu te prêter au jeu de la question-réponse. Alors afin d'éviter d'aborder le sujet facheux, il te fallut anticiper un poil.

« Mais je peux pas sortir de là. »

Logiquement, personne n'irait insister là-dessus. Mais tu ne savais jamais trop à quoi t'attendre avec les gens. Et s'il était du genre curieux, il faudrait que tu aies à lui expliquer avec le plus grand calme possible que tu étais totalement handicapé. Oui, calmement. Autrement dit, ça n'arriverait pas et tu l'enverrais chier.

ϟ NANA

Oh, les changements dehors... Oui, c'était logique, il aurait dû comprendre sa question plus aisément la première fois. Il se trouvait vraiment lent d'esprit, depuis son réveil, et c'était atrocement frustrant. Dehors hein ? C'était bizarre, il n'y avait pas d'autres mots. C'était difficile à croire qu'ils aient pu connaître quelque chose d'autre, avant. Celian gardait toujours le secret espoir d'être la victime de la dernière télé-réalité à la mode, et d'avoir été enfermé dans une espèce de grand dôme artificiel avec d'autres cobayes pour amuser la galerie ; même si au fond, il se doutait que penser ainsi n'aboutirait à rien.

- Si je devais résumer, je dirais... que dehors, ça ressemble à de la science-fiction. Comme un peu tout le reste. J'aime beaucoup la science-fiction, vraiment, mais justement temps que ça reste de la fiction.

Il se doutait que son point de vue sur la question n'intéresserait pas beaucoup son interlocuteur, à entendre son ton détaché dans cette conversation, mais bon, tant pis. Il n'allait pas se priver de parler parce qu'il y avait un caractère un peu taciturne en face. Si aucun des deux partis ne faisait d'effort, c'était certain que la situation ne progresserait pas.

- Douze jours... c'est déjà pas mal, je suppose. J'en sais trop rien. Mais, pourquoi tu ne peux pas sortir de là, ceci dit ?

La curiosité maladive de Celian avait précédé sa réflexion. A la suite de cette réception d'information, il fouillait la pièce du regard à la recherche d'un élément de réponse. Était-il chargé de surveiller les lieux ? Avait-il un lien affectif avec cet endroit ? Était-ce un travail qu'on lu avait donné ? Rien ne pouvait vraiment l'en informer. C'était un peu frustrant en quelque sorte, et Celian attendait fermement un retour, les yeux à présent rivés sur son camarade ; tant et si bien qu'il pouvait le nommer ainsi.

Au moins il avait compris la deuxième fois que tu posais la question. Ce que tu trouvais déjà pas trop mal. Oui, c'était en restant relativement toi, enfin, méchant. Même si tu ne le pensais pas dans se sens là. En tout cas tu avais assez de connaissance en terme de relation sociale pour savoir que traiter les gens d'abrutis était loin d'être la meilleure des choses à faire.

« Science-fiction tu dis. Mh, intéressant »

Tu le regardais avec un air curieux. Ce n'était pas vraiment un genre que tu connaissais bien. Enfin, tu avais les bases, et un peu plus. Beaucoup plus, même tu n'estimais pas ça ce que tu savais de ce genre comme étant une connaissance fiable. Contrairement à ce que tu pouvais avancer sur la mythologie par exemple.

« Tu veux dire qu'on est vraiment sur quelque chose de futuriste ? Mais ça n'a pas de sens. Je ne serais pas bloqué ici si c'était le cas. La médecine aurait dû suffisamment évoluer pour ça. Donc je suppose que ce n'est pas le cas. Il a dû se passer l'exacte inverse. »

Tu soupires bruyamment. Oui tu aurais dû t'y attendre, mais finalement depuis tout ce temps tu avais comme refusé d'y penser. Surtout tant que tu ne pourrais pas aller là-bas. Et du coup maintenant ça te paraissait plus qu'évident. Tu allais devoir évoluer dans un monde dépourvu d'humains. Et très certainement de technologie.

« Quel climat y a-t-il dehors ? Plutôt tropical ? Ou à l'inverse glacial ? À moins que rien n'ait changé ? Je n'ai pas vraiment eu le temps de me faire une idée la dernière fois. Et puis, combien est-on ? »

Tu marques un pause, il venait de te lancer sur un sujet qui t'intéressait. Peut-être bien que tu allais ravalé ta mauvaise humeur, et l'oublier par exemple. Pour le coup, tu avais même complètement ignoré sa question sur ta jambe. Comme si tu ne l'avais pas entendue, ce qui était peut-être pour le mieux.

ϟ NANA

Celian n'aurait pas vraiment qualifié leur environnement de futuriste ; plutôt régressif. Il était encore très loin de tout en connaître, étant donné sa récente arrivée, mais ce n'était clairement pas ainsi qu'il imaginait le futur. Le futur, pour lui, c'était des machines high-tech, des cités volantes, des cultures abondantes grâce à de nouvelles technologiques, des robots, et toutes ces choses que l'on pouvait voir au cinéma. C'était la conquête spatiale, c'était la fin et le début de tout.
Sauf que là, il n'y avait rien de tout ça. A y réfléchir, Celian s'attendait davantage à voir un zombie surgir de derrière un mur, plutôt qu'un être robotique.

- Je suppose que pour que la médecine évolue, il faut des médecins. Et si ils ont tous été cryogénisés aussi...

Ce n'était qu'une hypothèse, mais il ne pouvait, après tout, rien faire de plus que des hypothèses. Il haussa les épaules. Cette question l’intriguait, pourtant. Pourquoi cet intérêt pour les évolutions de la médecine ? Était-ce lié à cette question sur son immobilisme qu'il évinçait ? Était-ce parce que lui-même travaillait dans la médecine autrefois ?

- J'ai souvent froid depuis mon réveil alors je me suis pas un bon indicateur mais... je dirais plutôt tropical dans l'ensemble. Je suis désolé, je ne suis pas la meilleur personne pour te renseigner.

L'interroger lui sur ce nouveau monde, c'était comme interroger un bébé sur les lois de la gravité : c'était plus ou moins voué à l'échec. Mais c'était tout de même curieux. Il n'avait vraiment pas pu voir tout ça de ses yeux ? Personne n'était venu lui rendre visite, lui expliquer ?

- Tu n'es vraiment pas sorti d'ici en douze jours ?

Peut-être sa question était-elle impolie ; mais c'était l'immense défaut des gens curieux : cette proportion à tout demander sans réfléchir.

Tu étais maintenant certain qu'il y avait un problème avec ce gars. Avoir froid dans un environnement tropical n'était pas très bon signe. Mais ça ne te regardait vraiment pas. Et tu te demandais encore pourquoi il te disait ça. Tu n'en avait clairement rien à faire. Ca ne regardait que lui. Enfin, tu étais surtout intéressé par ce climat tropical. Tu voulais en savoir plus. Tu étais curieux à ce sujet. Tu avais plein de questions à lui poser. Mais tu te doutais que quelqu'un à peine réveillé ne pourrait pas répondre à tout. Tu doutais d'autant de sa capacité à répondre correctement à ces dites questions.

« Non, je n'ai jamais vu l'extérieur. Je peux pas marché. »

Et là, tu avais envie de hurler. Tu bouillais de rage à l'intérieur. Tu n'avais pas juste pu l'ignorer. Ses paroles s'étaient heurtées en toi. Et avaient rebondis. Impossible à ignorer. Tu avais répondu assez sèchement. Trop peu à ton goût. Mais tu espérais que ça soit suffisant pour qu'il évite de te titiller plus à ce niveau-là. Rapidement tu vins à la conclusion tu ne pouvais pas simplement l'ignorer. Ce n'était pas comme ça que fonctionnaient les conventions sociales. Mais elles voulaient plutôt que dans un moment gênant, ou énervant, peut importait, il fallait trouver un nouveau sujet.

« Tu faisais quoi avant ? »

Mais voilà, toi tu n'étais pas spécialement doué pour les conversations avec autrui.

ϟ NANA

Celian ne put retenir sa réaction ; hausser les sourcils, et river son regard sur les jambes de son interlocuteur. Il se savait impoli. Seulement, à l'instar de sa curiosité maladive, il peinait à retenir ses expressions. Celian se sentait comme l'enfant détaillant la personne en fauteuil roulant sans savoir que cela pouvait mettre mal à l'aise ; sauf qu'il savait. Il n'avait pas l'excuse de la candeur, et il se força à détourner les yeux et à se refréner de le harceler de questions.
Il se souvint, par ailleurs, de son réveil deux jours auparavant, et des longues minutes restées à ne pas pouvoir bouger ses jambes. Il se demanda alors vaguement si cet homme avait connu le même problème et ne s'en était pas débarrassé, ou si cet handicap était plus ancien, antérieur à tous ces événements. Il se mordit la lèvre pour ne pas le questionner ; et saisit l'occasion tendue de changer de sujet.

- J'étais restaurateur d'art. Pas très utile par les temps qui courent, commenta-t-il avec un piètre sourire. J'étais en train de restaurer une toile à thème mythologique d'un artiste pas très connu, quand tout est arrivé. C'était une représentation très stylisée de la descente aux enfers d'Orphée. Basique mais toujours plaisant.

Il ignorait si l'art intéressait son interlocuteur et avait parlé comme de la pluie et du beau temps. Tant pis. Dans le pire des cas, il l'enverrait sur les roses. Il en avait l'air allègrement capable.

- Et toi ? Qu'est-ce que tu faisais ?

Peut-être que connaitre son ancienne occupation pourrait l'aiguiller concernant la date du début de ses problèmes de locomotion. Certaines activités nécessitaient deux jambes bien en forme, après tout.

Là il devenait intéressant. Même si tu n'étais spécialiste de l'art, plutôt des pots pourris enterrés depuis des millénaires. Et tu portais un intérêt certain à la mythologie. Celle des grecs était ta favorite. Alors tout de suite, il avait toute ton attention. et si tu avais pu le trouver dénué de tout intérêt, et peut-être un peu stupide, pour l'instant tu n'en pensais plus rien. Un restaurateur d'art. C'était forcément quelqu'un avec qui tu allais pouvoir t'entendre. Ou au moins discuté. C'était tout ce que tu te demandais pour le coup. Un peu de contact humain.

« Ca avait l'air intéressant. »

Tu hochais la tête pour affirmer tes dires. Et en même temps, tu sembles réfléchir un peu. Tu imaginais à quoi ça pouvait ressembler ladite représentation. Et ça semblait plutôt plaisant. Et puis il te demande ce que tu faisais.

« J'étais étudiant en archéologie. J'ai été sur pas mal de sites avec mon père. »

C'était une façon plutôt délicate de dire que tu n'étais pas juste un petit étudiant. Tu étais un peu plus. Tu avais déjà pratiqué. Oui, clairement tu te valorisais. Et tu en avait besoin parce que pour le coup, et depuis ton réveil tu te sentais à peine diminué. Tu étais désormais un handicapé. Un incapable. Mais tu ne dis rien à ce sujet, tu préfères continuer sur cette mythologie que tu appréciais tant.

« Mais, avant, j'étais passionné de mythologie, entre autre. »

ϟ NANA

L'archéologie ? C'était vachement intéressant, comme sujet. Celian considérait que peu de gens s'y épanchaient, pourtant. Il avait toujours autant entendu deux sons de cloche ; ceux qui adoraient l'idée et visualisaient les fouilles comme une grande aventure de cinéma, et ceux qui estimaient qu'il n'y avait rien de plus rasoir au monde que de travailler avec des antiquités. L'Histoire était rarement la grande passion du commun des mortels.
Avec le recul, c'était une discipline que Celian aurait pu étudier, s'il avait été beaucoup moins doué avec la peinture. Leurs deux filières étaient plutôt liées, en soit.

- Ton père était archéologue aussi ? le questionna Celian. Tu sais, j'ai le sentiment que faire de l'archéologie ne nous ferait pas de mal pour comprendre ce qui s'est passé autour de nous. Et peut-être pour retrouver des choses du passé.

Peut-être était-ce une sorte de déformation professionnelle, mais Celian ne pouvait s'empêcher d'imaginer toutes ces oeuvres qui avaient dû disparaître. Il vit défiler dans son esprit toutes les toiles qu'il avait restauré en vain. C'était frustrant, dans les faits. Des siècles d'art et d'histoires s'étaient peut-être perdus à jamais.

- Au moins, la tradition orale perdure, soupira Celian, dans la suite de sa réflexion intérieure. La mythologie grecque a longtemps été orale, d'ailleurs, ajouta-t-il en remarque à l'aveu offert. C'est une passion qui s'accorde bien avec la fin du monde. Peut-être qu'on devra travailler à réécrire et repeindre tous ces mythes.

Celian adressa un sourire aimable à son interlocuteur. Trouvant plaisant d'avoir réussi à obtenir une conversation, il en oublia un moment le secret de l'immobilisme de cette personne.

Il marquait pas mal de points. Tu avais l'habitude d'étudier des bouts de cailloux et de déterminer leur âge. D'étudier des décombres pour juger de l'époque. Et bien que là, la tâche serait complexe, ça pourrait être faisable. Mais ça serait long. Parce que tu ne voulais pas raconter des conneries. Et que c'était très différent de ce que tu avais pu avoir l'habitude de faire. Tu étudiais les choses avec une certaine logique historique. Là il n'y en avait plus. Et le but était justement d'en redéterminer une.

« Ca pourrait être en effet une bonne idée. Seulement, ça pourrait être utile d'avoir la présence de géologues. Ils connaissent probablement mieux que moi les cailloux. »

Et tu n'avais plus de livre pour apprendre. Pour t'épauler. Et puis, ce n'était pas comme si tu pouvais te sortir de se lit hormis en rampant. De manière trop peu classe. Trop peu efficace.

Sa seconde idée te paraît meilleure encore. Parce que plus abordable. Parce que tu étais déjà entrain d'y réfléchir. Comment alliez vous vous y prendre. Le contenu n'était pas un soucis. Tu étais une véritable encyclopédie sur le sujet. Seulement, par quoi commencer ? Par-où ?

« C'est déjà plus facile à faire. Mais par quoi commencer ? On pourrait réécrire la Théogonie ? »

Commencer par réécrire l'histoire des dieux. Leur arbre généalogique si complexe. C'était probablement par-là qu'il fallait commencer.

ϟ NANA

A entendre son interlocuteur évoquer l'étude des roches, Celian avait l'impression que tout était à refaire. Que tout était à redécouvrir. Comme si les millénaires passés de savoir acquis s'étaient perdus en une nuit. Il y avait quelque chose d'outrageusement frustrant à cela, mais parallèlement, et avec une certaine dose de paradoxe, un aspect très excitant, à ce fait. Alors que beaucoup se plaignaient parfois de vivre dans une ère où tout avait déjà été expérimenté et où plus aucune grande révolution ne pourrait s'opérer, les voilà de nouveau projetés dans une époque qui nécessitait d'aiguiser son esprit de découverte.

- S'il reste des géologues parmi nous, souligna alors Celian, ce pourrait être intéressant. Peut-être que l'on pourrait réussir à déterminer le temps qui s'est écoulé durant notre sommeil, avec les bonnes connaissances et les bons outils.

Ce que présentement, il n'avait pas, et ce que son interlocuteur ne semblait pas avoir non plus. Eux ne pouvaient, effectivement, que perpétuer un savoir entre l'historique et la légende, qu'ils avaient acquis au travers de leurs études.

- J'ai touché à peu d'oeuvres liées à la théogonie, mais si tu te souviens bien de ce qu'elle contient, je pourrais tenter d'illustrer d'après ce que tu auras écris. Ce n'est pas grand chose, mais il me reste un pinceau. J'imagine qu'on doit réussir à créer de la peinture. Si les hommes de la préhistoire ont réussi, on devrait pouvoir également.

Être réduits à devoir se référer à un passé si lointain pour se débrouiller dans leur présent actuel était quelque peu ridicule, ceci étant dit. Est-ce que son interlocuteur aussi, avait ce sentiment ? Ou était-il le seul à voir les choses sous cet angle ?

Il n'y avait pas beaucoup à réfléchir. Faire ça allait t'occuper pour un moment. Parce que s'il te fallait réécrire la mythologie grecque entière, tu allais en avoir pour des années. Mais ça promettait d'être un travail intéressant. Qui te tarabiscoterait même un peu. Beaucoup. Mais il marquait un point. Peut-être qu'il n'y avait plus de géologue. Donc, il ne fallait probablement attendre d'en trouver un. Et tu devrais peut-être te mettre à essayer de comprendre cette science des cailloux toi-même. Sans attendre d'aide. Même si du coup, ça serait bien trop approximatif à ton goût.

« Quand je pourrais sortir d'ici, il faudra que j'aille jeter un coup d'oeil. Peut-être que ça pourrait nous donner une indication relative du temps qui à pu passer ici. Mais ça risque d'être long, et pas évident. Et probablement pas fiable. »

Tu t'arrêtes là, ce n'était pas utile d'aller plus loin dans les explication inutiles et évidentes. Ce n'était pas qui t'intéressait là.

« Créer de la peinture n'est pas si compliqué. En tout cas créer de quoi colorer. On peut fabriquer ça à partir d'ocres, de roches réduites en poussière. Après il faut juste diluer ça avec de l'eau. Il me semble qu'on peut utiliser certaines plantes aussi il me semble. Enfin, ce n'est pas vraiment ça qui m'inquiète. Mais plutôt sur quoi tu va pouvoir peindre si on ne trouve pas de papier. Parce ça, c'est un peu plus chiant à fabriquer. Et je ne suis pas sûre qu'un parchemin soit très agréable. »

Et puis, s'il fallait que tu écrives quoi que se soit, il faudrait bien que tu aies de quoi. Tu n'allais pas écrire sur ton corps. Ca serait bizarre. Et probablement déplacé.

ϟ NANA

Il remettait, involontairement ou non, ce sujet sur le tas ; le fait qu'il ne pouvait quitter cet endroit. Ce mystère continuait d'intriguer Celian, qui observait sans comprendre, qui posait des hypothèses sans obtenir la moindre certitude. Il se questionnait, il se questionnait si fort qu'il en était à deux doigts d'oublier de répondre aux autres problèmes soulevées.

- Le papier... répéta lassivement Celian. Oui, le papier est un problème, en effet. Peut-être en reste-t-il un peu quelque part ? Du reste, je suppose qu'il faudrait tenter de le faire nous-même. Il n'y a pas qu'à nous, que le papier se montrerait utile. Si les bêtas cherchent à comprendre ce qui nous entourent... car je crois que c'est en partie leur rôle ? Il leur faudra probablement de quoi prendre des notes, à un moment ou à un autre.

Celian concevait difficilement une vie sans la possibilité d'écrire. Il n'avait jamais été attiré par le fait d'écrire en soi-même, d'être auteur, ou même ne serait-ce que coucher des pensées dans un journal. Seulement, leur civilisation toute entière était base sur l'écriture. Au quotidien, ils lisaient et écrivaient. Des listes de courses, des itinéraires, des idées, des mémos, des lettres. Il paraissait inconcevable de renoncer à tout cela pour quelque chose d'aussi futile que du manque de matériel.

- C'est dur de se dire que tout est à refaire, soupira Celian.

Oui, tout. Être des hommes modernes condamnées à se raccrocher aux techniques de leurs lointains prédécesseurs avait quelque chose de ridicule. S'ils devaient se retrouver à graver la pierre pour laisser des traces écrites et immuables de leur vie, il allait vraiment mal le vivre. C'était sans doute stupide, superficiel et puéril, de régir de la sorte ; mais Celian n'était éveillé que depuis quelques jours. Il n'était pas accommodé. Le serait-il seulement un jour ?

- Pardonne moi de revenir là-dessus, finit par continuer Celian pour changer de thème, mais pourquoi ne peux-tu pas marcher ?

Oui, il se doutait que ses jambes avaient un problème. Implicitement, Celian demandait des détails sur ce problème. Etait-il antérieur à son réveil, récent, temporaire, permanent, douloureux ? C'était une curiosité peut-être mal placée, que Celian ne contrôlait pas.

Du papier, tu étais certain qu'il devait y en avoir. Au moins, un peu. Ce n'était pas possible que tout le papier ait disparu. Genre impossible. Ou du moins, tu l'espérais. Il y aurait forcément des gens qui en aurait eu dans leurs effets personnels. Ou quelque chose comme ça. C'était certain. Maintenant, restait à savoir comment il était distribué. Tu espérais sérieusement qu'il n'était pas à la portée d'enfants pour qu'ils puissent gribouiller dessus. Ça serait du gaspillage.

« Il faudra se renseigner là-dessus. Mais je les croise tous les jours, donc je pense que ça sera plus facile pour moi. »

Tu réfléchis à ce qu'il dit et tu n'aurait pu être plus en désaccord avec lui qu'à ce moment-là. Alors tu pousses un soupir. Parce que c'est ce que tu fais lorsque tu es agacé.

« Non. Ce qui est dur c'est de le faire. À cause des souvenirs. Parce qu'on sait combien c'était facile avant. Repartir de zéro est dur. Regarde, pour du simple papier il nous faudra peut-être des mois. »

Mais tu t'arrêtes là, parce que ça ne sert à rien d'aller plus loin. Et puis, avec le blanc créé, il en profite pour rebondir sur son sujet d'origine. Pourquoi t'es coincé dans ce lit, hein ? Pourquoi, t'es si pathétique ? Tu fronces les sourcils. Tu te sens t'énerver. Parce que putain, tu ne veux pas en parler. Ça ne regarde que toi. Et tu es fatigué.

« Non j'te pardonne pas. Putain. » tu rages. « J'peux pas ok !? J'arrive pas. Mon corps veux juste pas ok !? Ça fait un mois que c'est comme ça putain ! » pause et tu soupires « Et ça reviendra pas putain. »

Tu jures. Tu cries. Tu es pathétique. On dirait un putain d'enfant. Mais t'as mal. T'aimerais juste ne pas y penser, hein. Mais c'est pas possible. Parce qu'il faut que t'apprennes à vivre avec ça. Ce qui est dur, ce sont les souvenirs que tu as d'avant. C'était si simple de marcher avant.

ϟ NANA

Les cris, Celian ne s'y attendait pas. Le silence, le détournement de conversation, l'irritation, oui. La gêne, peut-être. La colère ? Bien moins. Celian était pourtant intrusif depuis toujours et sa tendance à mettre volontairement les pieds dans le plat l'avait confronté à toutes sortes de réactions. Pourtant, les cris demeuraient rares.
Et si, jusqu'ici, la discussion l'avait assez distrait pour qu'il en oublie sa nausée, elle décida de choisir cet instant pour se remémorer à lui.

Il savait, Celian, quelqu'un de sage s'arrêterait là et s'excuserait. Seulement, Celian n'était pas sage. Sa cousine était une casse-coup en actes, lui en mots. Deux domaines différents, certes, mais risqués tous les deux. Oh, il s'excuserait. Mais il ne se priverait pas d'insister.

- Pardonne-moi si le sujet t'énerve. Je peux comprendre en un sens. A mon réveil, je n'ai pas pu bouger les jambes, quelques heures. Je ne comprends toujours pas pourquoi.

Presque par instinct, Celian toucha ses jambes. C'était stupide. Elles n'avaient pas disparu en l'espace de quelques secondes. Seulement, c'était un mauvais souvenir. Cette vulnérabilité, ce manque de contrôle sur son propre corps, ça l'avait effrayé.
Et son interlocuteur le vivait toujours, lui, n'est-ce pas ?

- Tu n'avais aucun problème, avant ? Je veux dire, avant la cryogénisation ?

Il parlait d'un mois, alors le soucis semblait récent. Mais après tout, n'y avait-il pas eu des signes avant-coureurs ? Est-ce que c'était vraiment tombé d'un seul coup, à cause de cette expérience étrange ?

T'étais comme ça. Trop franc. Trop honnête. Et puis, aussi, et surtout, trop toi. Fallait le dire, t'étais susceptible. Tu prenais mal la critique, généralement. Mais là, c'était au-delà. Ne plus pouvoir marcher, c'était l'enfer. Être encore vivant, c'était l'enfer. Et toi, tu étais comme déjà mort. Au moindre problème au camp, tu serais le premier à être abandonné. Parce que concrètement, tu ne servais à rien. Dans une communauté cherchant à survivre, tu n'étais pas indispensable. Tu n'avais en rien les capacités d'un survivant. Alors, ça te rendais susceptible sur ta condition.

« Eh bah, t'as eu de la chance putain. Parce que moi, elle veut toujours pas ! »

Parce que tu étais énervé. Parce que tu t'en foutais. Parce tu en avais clairement marre d'écouter les gens. Ton poing s’abattit sur ta cuisse gauche. Et tu ne sentis rien. C'était ça le pire. C'était que tu t'y attendais. Que ça te désespérais à peine. Et puis, ses excuses, tu t'en tapais tellement. C'était pas important. Finalement c'était même pas à lui que t'en voulais. Juste à la vie. Bitch.

« J'avais. J'étais normal. Comme tout le monde. En plus intelligent. »

Énervé, mais pas non plus complètement abruti. Tu conservais tes sourcils froncés. Et tu restais énervé. Mais ua moins, tu ne l'avais pas encore envoyé chier.

ϟ NANA

Alors c'était neuf, récent... et c'était probablement pour ça que cet homme s'y accommodait si mal. Perdre sa locomotion du jour au lendemain avait de quoi déstabiliser. Ce n'était pas le genre de problème que l'on s'attend à confronter dans la vie. Comme pour beaucoup de situations, on imagine naïvement que ça n'arrive qu'aux autres. Celian lui-même n'arrivait pas à s'imaginer là, assis sur le lit voisin, incapable à jamais de bouger ses jambes, comme lors de son réveil. Un frisson désagréable le parcourut ; celui de la peur sourde.

- Je ne suis pas médecin, mais ça s'arrangera peut-être avec le temps. Même si ce genre de phrase toute faite doit te saouler.

Il le prévoyait, au caractère du jeune homme. Ce sujet était sensible, et Celian avait eu le temps de constater que les sujets sensibles étaient ceux sur lesquels on aimait le moins recevoir des banalités. Pourtant, il n'avait rien à dire d'autre. Il n'avait aucune solution miracle. L'intelligence présentée de son interlocuteur ne pouvait en aucun cas le guérir. Les plus grands cerveaux du monde ne pouvaient rien, sans les connaissances et les outils adéquates.

- Ceci dit, tu pourrais sortir, avec de l'aide. Je ne suis pas un type rtès costaud, mais on pourra aller dehors, si tu veux, pour écrire, lorsqu'on aura déniché du papier. S'il fait beau. On travaille toujours mieux au grand air. J'aimais bien peindre dehors, avant.

Celian discutait sur le ton des conversations banales du quotidien ; mais son offre était sincère. Pas costaud, oui, pas costaud, mais capable d'aider quelqu'un à marcher sur quelques mètres. Il suffirait de prendre un peu sur lui ; si cette personne acceptait l'offre. Celian avait bien envie qu'elle accepte. Créer des liens l'attirait toujours. Peu importe les râleries, les récalcitrances. Celian était patient.

Voilà. On y était au moment où tu allais refuser de répondre correctement aux questions qu'on te posait. T'étais un enfant. Tu boudais de la même façon. Pour rien. chaque fois que ça t'arrangeait. Là t'en avais marre de parler de ta jambe. De ton bras qui déconnait trop pour que tu le considères comme pleinement fonctionnel. T'avais ouvert la bouche, comme pour dire quelque chose.

Puis tu t'étais arrêté avant que quoi que se soit n'en sorte. Ça ne servait à rien, tu le savais qu'hurler sur les gens ça ne t'apportait rien. Mais là, c'était peut-être parce que tu ne savais pas quoi dire. Tu n'avais de méchant à dire. Ou plutôt si, mais tu étais sans doute fatigué de répéter sans cesse la même chose à quiconque oserait passer te voir. Et maintenant, tu n'avais plus envie qu'il t'aide. Tu voulais partir. Seulement c'était assez impossible. Alors, par extension, tu voulais que lui s'en aille.

« Mh, peut-être plus tard. »

Tu marquais une pause. Tu n'avais pas envie d'envoyer le brun sur les roses. Vous aviez un projet assez intéressant. Et il aurait été bête de perdre ça.

« Je suis fatigué, si ça ne te dérange pas, j'aimerais bien me reposer. »

Ça te semblait être une bonne idée de donner ça comme excuse. De toute façon, tu devais avoir une mine terrible. Alors ça n'aurait pas l'air si faux.

ϟ NANA

hrp ;
j'pense qu'on peut s'arrêter là
si tu veux faire une conclusion, vas-y
sinon, j'suis désolée du temps d'attente.
♥

Jour 126 | Please to meet you ▬ Celian Fawkes

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